lundi 26 novembre 2012



La Vallée des Branloires
21/11/12: En Arbec !

De retour de la Baie Américaine, de retour d'un autre monde. Là bas, tout est neuf et tout est sauvage, disait un grand poète du XXème siècle, et il avait bien raison JJG... Là-bas c'est juste grandiose... De telles étendues, sans signe d'occupation humaine autre que le chemin tracé à la longue par les bottes et les balises ou autres cairns, c'est simplement hallucinant. Au séminaire de l'IPEV, je discutais avec des gars qui partaient pour la troisième, quatrième fois, et ils m'expliquaient à quel point ils en ont voulu à l'Homme la première fois qu'ils ont mis le pied dans les TAAF. Aujourd'hui, de retour de mon premier séjour en arbec, je commence à comprendre ( et je ne cite pas Florent Pagny...).
ma tête, avec la vallée des Branloires en arrière plan
  
Ici on se rend compte à quel point la Terre devait être belle avant... Première rencontre avec les orques pendant le trajet aller, à la "Piscine", bassin où les longues algues croissent et où les orques viennent se prélasser en s'y frottant. Les algues c'est bon pour leur peau aussi, on n'a rien inventé ! Un spectacle qui ferait pâlir n'importe quel Seaworld, et qui nous fait ressentir, en côtoyant ces animaux d'aussi près, la puissance et la grâce des grands mammifères marins. 
Paul, chargé d'étudier ces grosses bestioles par la réserve naturelle des terres australes (Rez'Nat' pour les intimes, compte deux petits dans le groupe, dont un qui doit avoir seulement quelques semaines. Il nous explique que les orques que l'on voit passer les unes par dessus les autres en se frottant font pour le petit une phase de sociabilisation.


Mes nouveaux potes les manchots

Avant cette folie de la nature, nous sommes passés par la petite manchotière...
Une crique, des manchots, plein de manchots ! Ces oiseaux incroyablement photogéniques nous regardent crânement passer en piaillant, se laissent prendre en photo (remarque, il vole pas le machin, et s'il essaye de courir, il tombe à plat ventre, alors...) Les éléphants de mer aussi ! Des yeux souvent rouges, à l'air mélancolique, mais une bouche qui semble sourire, et leur vie a l'air si cool, allongés sur le sable noir, blottis les uns contre les autres. Pauvres élephs', leur seul moyen de défense, allongés sur la plage, c'est d'ouvrir grand la gueule et d'émettre un son proche du rot. Tu m'étonnes que les chasseurs s'en sont donné à cœur joie,  à abattre ces pauvres bêtes ! Ils se déplacent bizarrement les élephs', sorte d'ondulation du corps façon larve mais avec des mains nageoires dont ils se servent pour se gratter.


Sont'i pas mignons?


L'Arbec de BUS (un des deux), et encore la Vallée des Branloires
L'arbec, maintenant ! Ah, l'arbec de BUS, première expérience de manip en cabane, très très sympa, avec sa gazinière, son chauffage radiant, et ses huit couchages ! Très bon moment passé là avec toute l'équipe Ecobio, une chimay et un carry !

Note pour plus tard, prendre plusieurs paires de chaussettes pour la vie en cabane, et pas des chaussettes fines ! 

dimanche 25 novembre 2012

La vie sur base (2)



Le bras, c'est Tiphaine, là bas, la Baie du Marin :)



15/11 : C'est ici le camp des naufragés?
Pour loger tout le petit monde descendu du Marion Dufresne, une réorganisation totale de la vie sur base a été nécessaire, à commencer par le couchage ! Et oui, faire dormir 150 personnes dans un espace prévu pour en loger une cinquantaine, ça demande de s'adapter ! Du coup, les matelas, couvertures et autres oreillers ont été transférés du Marion Dufresne vers la base en hélicoptère, de même que le reste des vivres destinées à nourrir tout ce petit monde. Pendant ce temps, il me faut me mettre dans le bain de ma mission en un laps de temps très court, en effet, Tiphaine repart avec le Léon Thévenin, le vaisseau câblier, ce qui me laisse une petite semaine pour apprendre le plus possible et pouvoir m'en sortir seul ensuite !
J'accueille Rémi, ornithologue en partance pour Amsterdam, dans ma chambre, me voilà avec un colloc pour quelques jours !
Les matelas, couvertures s'accumulent dans les hangars avant d'être dispatchés sur la base...
De part le nombre de personnes présentes sur base, on nous a demandé, et c'est normal, de limiter le nombre de douches et la consommation d'eau chaude, ce qui, après coup, n'a pas été un problème puisque que je ne me suis jamais retrouvé à court d'eau chaude sous ma douche ! Les repas sont servis en deux services, le midi, des buffets gargantuesques sont servis, et c'est plat chaud le soir !


17 et 18/11 : Premières manip autour de la base

Une grande partie du programme 136 Ecobio que j'effectue sur Crozet est dédiée à l'étude à long terme des populations d'invertébrés et d'espèces végétales en réponse aux changements climatiques.
Mon premier bébé albatros !
 Des manips (manip: jargon scientifique qui signifie mise en place d'un protocole expérimental sur le terrain.
Une manip peut inclure des manipeurs, gentils accompagnateurs du scientifique chargés de quelque tâche souvent ingrate telle que du catch avec un jeune manchot, cacher le soleil pendant que le scientifique prend la photo, prendre des notes... mais c'est un job sympa !) telles que du piégeage d'invertébrés à intervalles de temps réguliers, la description et le suivi de certaines communautés végétales, ainsi que le suivi du développement de certaines espèces, sont le fil conducteur du programme.
Pièges barber, boîte métallique posée dans le sol. Les bestioles marchent et hop, tombent dedans !
Ce sont ces manips de terrain que j'ai appris à mettre en place ces jours-ci, dans un cadre qui ne cesse de m'en mettre plein la vue ! Une manip en arbec est prévue à la Baie Américaine (BUS pour les intimes, à quelques 3-4 heures de marche de la base) dans les jours qui viennent, j'ai hâte ! ( et je vous raconterai ça très vite ! ;p)


Demain des photos de manchots !!!

samedi 24 novembre 2012

La vie sur base (1)

La baie du Marin, avec le Marion Dufresne


 Ce matin, une grande partie des personnes débarquées du Marion Dufresne, les campagnards d’été, les membres d’équipage, et une partie de l’équipe des hivernants de la dernière campagne, ont pris la mer à bord de zodiaques vers le Léon Thévenin, vaisseau câbleur France Télécom dépêché d’Afrique du Sud pour venir à la rescousse des naufragés. La fin de cet épisode qui a chamboulé la vie de la base Alfred Faure, faisant d’elle, le temps d’une semaine, la capitale des TAAF, me donne l’occasion de revenir sur les événements (moult) et les péripéties (plus moult encore) que nous avons tous traversé depuis ce matin fatidique du 14 Novembre…


14/11, Matin, ou comment vivre en une journée un ascenseur émotif total…
Tout le monde se lève aux aurores. La veille nous fut annoncé que la Possession serait visible dès le lever du Soleil, avec un point de vue inédit puisque le Marion Dufresne va ravitailler les Arbecs (cabanes où nous logeons le temps de nos manips de terrain, en langage Crozetien), en commençant par Pointe Basse, au Nord Est de l’île, puis faire le tour de l’île d’Est en Ouest, pour arriver à la Baie du Marin dans l’après midi. Bref, tout le monde sur le pont, dans les passerelles, appareils photos, caméras à la main. Tout le monde sourit, et pour les hivernants de l’expédition Crozet 50, c’est la découverte de notre nouveau chez nous. Les premiers manchots royaux, dans leur colonie, là bas, sur la côte, et les premiers groupes en mer, que l’on voit depuis les passerelles.
Ascenseur émotif, vous êtes bien arrivés au sommet, attention aux crampes liées aux sourires…
Ça y est, nous sommes bien arrivés chez nous… Le ravitaillement se passe bien, le Marion reprend son tour de l’île. Passent la roche percée, les Rochers des Moines, lames rocheuses dressées vers le ciel… Le tour continue encore, puis le Marion heurte quelque chose… Pour la suite je n’entre pas dans les détails, mais nous sommes renvoyés à nos cabines le temps qu’une évaluation préliminaire des dégâts soit faite. Vous vous souvenez de l’ascenseur émotif ? Là, on entame franchement la descente… Pour les événements suivants de la journée et passer plus vite aux trucs plus sympas, une petite liste : Pendant une grande partie de la journée, on ne sait pas si les hivernants de Ker et d’Ams vont pouvoir continuer leur mission, ou s’ils vont être reconduits en métropole le temps de réparer le Marion, parce que oui, le Marion est quand même touché. Nous autres de Crozet sommes autorisés à descendre, puis j’apprends que de tout le groupe Ecobio prévu pour descendre à terre, je serai le seul à prendre l’hélico.
Ding ! Troisième sous sol émotif, tout le monde descend !
Yann de l’IPEV me remotive (merci Yann !), je monte dans l’hélico avec mes camarades hivernants, et on décolle… On voit le Marion s’éloigner, la base Alfred Faure se rapprocher, une pancarte de bienvenue, des petits bonshommes en ciré jaune.
La pluie sur Alfred Faure,
Des âmes en ciré jaune
Découverte des visages…

Les présentations sont rapides, les noms échangés, les visages découverts, les voix entendues pour la première fois. Ces personnes virtuelles, nos prédécesseurs, prennent enfin corps. Nous sommes arrivés… La suite de la journée est aussi intense et mouvementée qu’inoubliable. Nous autres, nouveaux hivernants encore verts et gorgés d’été, sommes mis à contribution aux stocks de nourriture : l’hélico débarque le ravitaillement destiné à Crozet, plus une partie de celui destiné à Kerguelen et Amsterdam. Les chaînes se forment, les cartons, boîtes, packs de bouteilles et autres bidons défilent, passent de main en main.

Ascenseur émotif : Rez-de-chaussée, tout le monde descend !

L'île de l'Est, et le MarDuf (vue depuis la fenêtre de ma chambre ;D)
La découverte de la chambre… (que nombre de mes proches en France attendent avec impatience ;p) est une excellente surprise. Je savais que le logement des hivernants sur Crozet était très bon, mais là… Je récupère la chambre de Tiphaine, mon maître Jedi Ecobio, dans le bâtiment l’Albatros. Grande chambre avec une vue sur la baie du Marin, et en face, l’île brumeuse, mystérieuse, fantomatique, l’île de l’Est… et sur le Marion…Et la découverte de la base ! Le bâtiment de vie commune est un endroit extrêmement chaleureux, avec sa salle de billard / webcafé / Bibliothèque, le fameux CroNiBar, unique bar de l’archipel, la salle à manger, et ses cuisines… Ce n’est pas fini ! En sous sol, une véritable salle de cinéma (s’il vous plaît…), une bibliothèque-DVDthèque plus que bien fournie, et un labo photo.
Premier repas sur base, première claque d’une série de repas meilleurs les uns que les autres, des desserts incroyables, inclinons nous devant la puissance de nos chefs de cuisine… La vaisselle se fait en commun, la vaisselle sortant de la machine à laver est séchée immédiatement au torchon puis rangée. On apprend vite les coutumes locales, dont l’ancestral, fameux et puissant claqué de torchon !
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vendredi 16 novembre 2012

Un lever de Soleil sur l'Indien

Entrée de Journal n°4, Passerelle de commandement du Marion Dufresne,
12 Novembre 2012

Il est 6h30, une heure et demi que je suis debout. Pourquoi se lever
si tôt, me direz-vous? Et bien pour voir le Soleil se lever.

Ce matin, le coureur de feu commençait son parcours à 5h30,et pour le
voir du début, il fallait être sur la passerelle à 5h10. Que dire,
hormis le fait qu'un horizon aussi dégagé que celui de l'Indien et les
quelques nuages fuyant à l'horizon ont fait de ce moment une demi
heure purement magique.

Pour nous récompenser de nous être levés si tôt, le premier grand
albatros a fait son apparition, mettant les ornithologues, et les
autres, en joie. Les oiseaux sont de plus en plus nombreux dans le
sillage du Marion Dufresne, et la prise de photos plus aisée. Mon
petit bridge Samsung fait bien pâle figure comparé aux mastodontes
d'objectifs qu'ont les ornithologues, mais il se défend bien !

Nous devrions atteindre Crozet dans la nuit de Mardi, pour mettre pied
à terre Mercredi ! Même si la vie à bord du Marion est très agréable,
j'ai tout de même hâte de mettre pied à terre !

à plus tard pour de nouvelles aventures, je vais prendre mon petit déjeuner ;p


jeudi 15 novembre 2012

Premiers jours de mer

Entrée de journal n°2, samedi 10 Novembre 2012, cabine 3026, Pont C, Marion Dufresne

Je suis deux ponts sous le pont supérieur, paraît que plus on est bas, moins ça bouge... Quoiqu'il en soit, le pont C est le pont des VSC, et ça bouge pas mal quand même ici !
Par le hublot de cette cabine où se trouvent deux lits superposés, de taille et de confort très convenable, une salle de bain, un bureau et  une armoire, je vois la mer, de jour comme de nuit, monter, descendre, blanche, bleue, noire, rose au matin, un bon spot où poser ma caméra, même si je n'ai pas encore eu le temps de le faire.


Fenêtre ronde sur un monde de vagues,
en boire l'eau par les yeux,
j'ai vu un poisson volant...

La vie sur le Marion Dufresne est régie par des sonneries qui nous invitent aux évènements de la journée, en commençant par le plus important d'entre eux: le repas ! et attention, on ne déconne pas sur les horaires ! Le petit déjeuner, ça commence à 7h, pas à 6h55 ! Repas du midi à 11h, et celui du soir à 18h, et se mettre en retard, c'est encourir le risque de faire ceinture... Ça peut paraître rude comme ça, mais on vit sur un bateau, avec tout un tas de gens différents, vacant à tout autant d'occupations différentes, et ces horaires stricts permettent aux évènements de rester gérables.
Je sais que la question du mal de mer vous intéresse tous, et bien pour le moment, ça va bien, je touche le bois vernis de ma couchette, la mer n'est pas trop agitée depuis le départ de la Réunion, du coup à
part un roulis qui me fait monter puis descendre la tête sur ma couchette, je ne ressens pas vraiment de malaise. J'ai un traitement homéopathique de fond contre le mal de mer, coculus, petroleum et
tabacum, trois granules de chaque toutes les heures d'éveil, mais pour assurer le coup et être bien dès le départ, j'ai quand même opté pour l'option du comprimé Mer Calme ce soir, ce qui, combiné avec mes deux
heures de sommeil dans l'avion entre Paris et le Réunion, m'a donné un coup de barre monumental qui m'a conduit au lit dès 19h30, après le repas... Ce qui explique que je sois réveillé et frais pour écrire mon
journal de bord à minuit et demi... Que dire d'autre... Le départ de la Réunion s'est donc fait sans encombre, j'ai pris beaucoup de photos et de plans vidéo, l'objectif étant de réussir à monter quelque chose à envoyer en France bientôt. Entre la visite du navire, la Réunion au loin en fin d'après midi et les plans de mer, j'ai de quoi faire !
Physiquement, ça va plutôt bien ! Le bateau est encore chaud des 29°C de la Réunion, et à mon pont, il fait encore très lourd, ce qui se ressent au niveau du corps, mais c'est largement supportable, et ça devrait se rafraîchir à mesure que l'on fait route vers le Sud. Je n'étais clairement pas préparé aux chaleurs de la Réunion, moi qui ai quitté Paris avec un pull et une écharpe, et la chaleur locale à mon arrivée m'a vraiment assommé ! Il faut que je dorme maintenant, mon réveil sonne à 6h30, ce qui me laisse une marge confortable pour dormir avant le petit déjeuner !

Entrée de journal n°3, samedi 10 Novembre 2012, 17h50, Temps nuageux, Pont H du Marion Dufresne
J'écris cette entrée du pont le plus au dessus du niveau de la Mer, où je prends le vent après une journée plutôt calme, mais riche en nouveautés !
Aujourd'hui, j'ai passé une partie de la matinée sur l'avant du pont du Marion, à regarder la mer, je guette les poissons volants. Souvent seul, parfois en petit groupe, j'attends fébrile le saut de ces créatures incroyables qui font des vols planés de plusieurs mètres, se dirigeant dans l'air avec leur immenses nageoires, avant de se laisser à nouveau engloutir par l'Océan, cette créature est juste incroyable !
Se dire que l'on est là, sur ce bateau, au milieu de l'Océan, sachant ce qui m'attend, c'est juste fou. Où que porte mon regard, ce n'est que de l'eau... bleue... Ce bleu marine qui n'existe qu'ici, au milieude la mer, je ne l'avais jamais vu autre part dans la nature que dans une tablette de peinture, et qui s'étend à perte de vue...

Le bleu de l'Indien, unique couleur de palette du peintre monochrome.

Cet après-midi, réunion pour planifier mon terrain à mon arrivée sur Crozet... Mois chargé qui s'annonce ! J'ai passé trop de temps à regarder la proue du bateau monter, descendre, monter, descendre... ça
m'a donné mal au coeur, du coup je suis monté ici, gouter le vent marin et jouer de la flûte. J'entends à peine le son de l'instrument, avec le boucan des machines, mais c'est agréable de s'occuper les mains et
l'esprit sur autre chose en prenant l'air. Je regarde ma montre, bientôt 18h, bientôt l'heure du repas, je ne dois pas être en retard !

Take care tout le monde ! Winter is coming !